🌍 Un objet merveilleux …
Jean-Francois Clervoy - Astronaute
Conversation scientifique avec Etienne Klein et ses invités
• Erik Orsenna - Écrivain, membre de l’Académie française ✒️
• Pierrick Graviou - Géologue 🪨
En marge des révolutions qui ont fait couler le sang, une autre, plus discrète, mais plus radicale, s’est déroulée au cours du XXe siècle : progressivement, toutes les disciplines scientifiques ont pris acte que les objets qu’elles étudient n’ont pas toujours été tels qu’elles les observent. Plantes, bêtes, bactéries, roches, métaux, étoiles, planètes, espace-temps, tous ces êtres sont les produits d’une histoire, et ils ont eux-mêmes une histoire. Notre Terre, pourtant bien ferme sous nos pieds, n’a pas toujours existé, et la vie n’y a pas toujours été présente. Les étoiles, pour nos aïeux aussi stables que des idéalités platoniciennes, ne sont pas immuables : elles se forment, évoluent, se transforment, agonisent, disparaissent en dispersant leurs atomes. Les atomes eux-mêmes n’ont pas toujours existé : l’univers primordial, saturé de particules élémentaires s’agitant frénétiquement, n’en contenait aucun.
Toutes les sciences contribuent à l’établissement de ce constat. Ainsi, la biologie évolutionniste assure que l’ensemble des espèces vivantes a percolé à travers la barrière des mutations et des sélections. Pour les espèces animales et humaines, ce sont la paléontologie et l’anthropologie qui montrent qu’elles ont émergé de filiations et d’engendrements successifs. Pour les corps inanimés, terrestres ou cosmiques, c’est la mutualisation des résultats de la chimie, de la physique et de l’astrophysique qui explique qu’ils sont l’aboutissement de très longs processus. La cosmologie contemporaine parvient quant à elle à décrire l’univers à "rebrousse-temps", jusqu’à atteindre une description de sa phase primordiale, qui fut suivie de la naissance des galaxies et des étoiles, ainsi que de toutes les formes qui peuplent le ciel nocturne. Se déclinent ainsi des liens génétiques : les étoiles sont les mères des atomes, elles ont pour ancêtres des nuages de poussières, dont la matière provient des phases les plus chaudes et les plus anciennes de l’univers.
En somme, là où l’on n’avait longtemps vu que du permanent ou de l’invariable, on a fini par identifier des productions historiques, mais aussi des disparitions définitives, dont on a pu préciser les époques. Par exemple, la Terre s’est formée il y a 4,45 milliards d’années, la vie y est apparue il y a 3,5 milliards d’années, et l’apparition de l’Homme ne remonte, quant à elle, qu’à quelques petits millions d’années.
En clair, la Terre a passé le plus clair de son temps sans nous. Mais que lui est-il arrivé avant que nous arrivions ?
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